PISA (1),teste tous les trois ans un échantillon d'élèves de 15 ans dans le monde entier (soixante cinq pays en 2012).
La France aurait reculé du 20ème au 25ème rang par rapport à 2009.Le Monde (4 décembre 2013) tirait à la une: "Education:la France décroche".Cité par Maryline Baumard,Andréas Schleicher,responsable de PISA depuis sa création en 2000,s'en est pris directement au système d'enseignement français dans le Guardian (26 novembre 2013): "C'est un des systèmes les plus rétrogrades.On y fait beaucoup d'apprentissage par coeur."
En 2011,il écrivait: Pour construire les compétences nouvelles,il faut faire tomber les murs entre les classes,entre les matières,et même les écoles!...Il faut en finir avec le modèle d'éducation né de l'industrialisation ,celui où des personnes dans un ministère décident de la façon dont les enfants doivent apprendre,puis rédigent des magnifiques textes et circulaires que les enseignants sont chargés de mettre en pratique" (2).
PISA n'évalue pas,en effet,les connaissances prévues dans des programmes scolaires ,mais on peut dire que ,pour la France au moins,ce test mesure d'une certaine façon l'effet désastreux des contre-réformes de la Vème République depuis des dizaines d'années.
Fallait-il donc dépenser 534 000 euros en 2012 (3) à tester 4300 adolescents pour apprendre ce qu'on savait déjà?
L'école française est la bête noire de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui s'acharne à multiplier les injonctions aux gouvernements de diminuer les dépenses publiques: " Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement ,il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service,quitte à ce que la qualité baisse.On peut réduire,par exemple,les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités,mais il serait dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants" (4).Difficile de faire plus cynique!
Quelle est la validité de PISA?
L'échantillon d'élèves étant fondé sur le critère de l'âge et non du niveau de classe,il écarte les effets des redoublements qui ont disparu presque partout,sauf en France où il est encore une chance supplémentaire de réussite.L'échantillon français comprend donc des élèves de 15 ans qui se trouvent en seconde,mais aissi en troisième,voire en quatrième (parfois en première).Mais comme l'écrivaient Christian Baudelot et Roger Establet dans L'élitisme républicain en 2009: "Le choix du critère d'âge plutôt que d'un niveau d'enseignement permet des comparaisons plus fiables en évitant que les résultats ne soient biaisés par l'effet du redoublement ,pratique inégalement adoptée dans différents pays". Tous les arguments sont bons pour sauver PISA.
Un outil de privatisation de l'école
Des pays qui ont adopté les prescriptions de l'OCDE ont mis en place,aux frais des parents qui en ont les moyens,des cours de rattrapage pour accéder à l'enseignement supérieur.Emma Paoli écrit,dans ce même numéro du Monde,à propos de la Corée du Sud,classée 1ère en 2012:"Les élèves sud-coréens étudient en moyenne 50 heures par semaine,soit environ 16 heures de plus que leur camarades européens .A l'école de 7h30 à 16 heures ,les trois quart rejoignent ensuite les "hawgons".Ces instituts privés préparent les jeunes ,dès le primaire,à l'examen d'entrée universitaire.Leurs parents y ont dépensé 13 milliards d'euros en 2012.Dix fois plus que les dépenses françaises en soutien scolaire (2.3 milliards d'euros) pourtant les plus élevées d'Europe."
En substituant ,comme l'Union européenne,les compétences aux connaissances,PISA encourage la privatisation et travaille à accroître ,sur un marché du travail qui détruit chaque jour un nombre croissant d'emplois productifs,une foule de jeunes sans diplômes.
Rien d'étonnant à ce que Vincent Peillon ait voulu tirer parti de ce classement pour tenter de conforter sa réforme face à la levée en masse des enseignants:Les systèmes les plus performants sont ceux qui démocratisent le plus l'école.C'est ce que l'on tente de faire depuis un an et demi,dans l'esprit de la loi de refondation de l'école" (octobre 2013).Qui va le croire?
Cédric Villani,médaille Fields de mathématiques ,a posé cette question à propos de ce classement PISA:
"Les maths sont ils mal enseignés en France? Il répond:En France ,il y a longtemps eu une tradition de mathématiques fort abstraites,mais à force de mouvements de balancier,nous penchons désormais du côté concret.Un peu trop à mon goût,car les mathématiques sont par définition une science abstraite.Les évolutions les plus dommageables concernent les horaires qui ont baissé.Les programmes qui se sont vidés et les exigences de démonstration qui sont moins fortes".
Il serait urgent d'évaluer les évaluateurs de l'OCDE!
(1) Program for international Student Assesment:programme international d'évaluation des élèves,traduit encore par "programme international de suivi des acquis des élèves".
(2) VousNousIls,l'e-mag de l'éducation ,24 novembre 2011,Internet.
(3) C'est,selon,le Monde (3 décembre 2013) ce que cela à coûté,le journaliste ajoutant:"tous les ans ,c'est à peu près le même montant en bas de la facture.
(4) OCDE,la faisabilité de la politique d'ajustement,rapport de 1996.