Le libertarianisme est une philosophie politique prônant, au sein d'un système de propriété et de marché universel, la liberté individuelle1 en tant que droit naturel. La liberté est conçue par le libertarianisme comme une valeur fondamentale des rapports sociaux, des échanges économiques et du système politique.
Les libertariens se fondent sur le principe de non-agression2 qui affirme que nul ne peut prendre l'initiative de la force physique contre un individu, sa personne, sa liberté ou sa propriété. De fait, ses partisans, les libertariens, sont favorables à une réduction, voire une disparition de l'État (Antiétatisme) en tant que système fondé sur la coercition, au profit d'une coopération libre et volontaire entre les individus.
Le mot « libertarien » est l'adaptation en français de l'anglais « libertarian », lui-même traduction anglaise du français « libertaire ». Ce néologisme a été inventé afin de distinguer les libertariens des libéraux des États-Unis (lesquels sont estimés à gauche de l'échiquier politique des États-Unis, voir libéralisme contemporain aux États-Unis), le libertarianisme se faisant le promoteur d'un marché sans entrave (voirlibre marché) au nom de la liberté individuelle.
Le Parti libertarien, se revendiquant de ce courant de pensée, est né en 1971 aux États-Unis, avec la publication du livre de Robert Nozick, Anarchie, État et utopie, qui critiquait la Théorie de la justice deJohn Rawls et notamment son « principe de différence » (difference principle (en)) 3.
Au début du xxe siècle, le parti libéral britannique, au pouvoir, pratiquait des politiques de plus en plus étatistes. L'évolution se poursuit dans les années 1920, au cours desquelles l'économiste Keynesredéfinit un nouveau libéralisme. Dans les années 1950, suite à la répression politique opérée par le maccarthysme, les socialistes américains, dans la tradition de la social-démocratie, se sont massivement réclamés liberals, reprenant la tradition keynésienne4.
Le mot liberal, aux États-Unis en étant venu à désigner les progressistes favorables à l'intervention de l'État dans l'économie, des libéraux américains (au sens original du terme) ont repris à leur compte le mot libertarian, qui aux États-Unis n'avait pas la même connotation que libertaire en France (originellement, ce terme a été forgé par opposition au terme " libéral " par Joseph Déjacque5). Le mot libertarians'est depuis implanté en Grande-Bretagne (où il avait des connotations d'anarchisme socialiste), fort de toute la littérature libertarian déjà existante.
Dans les années 1970, Henri Lepage, en traduisant le terme libertarian, et en l'absence de littérature libertarian francophone, n'a pas voulu risquer l'amalgame avec les libertaires, et a donc préféré utiliser « libertarien »6. Les libertarian francophones du Québec ont repris le terme « libertarien », phonétiquement proche de l'américain libertarian.
Certains libéraux/libertariens considèrent l'usage du terme comme un anglicisme et une erreur, puisqu'en France, le terme " libéral " ne prête pas à confusion (même s'il a pris un sens plus large) puisque ceux qui s'en réclament défendent bien le libre-échange et ceux qui s'y opposent le font sur cette base. Ils relèvent notamment la tradition de libéraux comme Frédéric Bastiat dont ils se réclament. Ils préfèrent donc se dire tout simplement libéraux.
Bien qu'elle soit la plus utilisée, la traduction de « libertarian » par « libertarien » n'est reconnue ni par tous les libertaires, ni par tous les libertariens (quelques-uns revendiquant le mot « libertaire »)[pas clair].
Le mot « libertarien » donne également lieu au néologisme « libertarianisme », mais ce mot quelque peu compliqué est peu utilisé, les « libertariens » préférant eux-mêmes parler de libéralisme pour nommer leur philosophie (ce en quoi certains libéraux non libertariens sont en désaccord). Certains utilisent aussi le terme « libertarisme » (mais ce dernier est également utilisé par les libertaires).
Dans le domaine politique, les idées libertariennes ont été exprimées dès le xixe siècle avec les œuvres de Wilhelm von Humboldt (Essai sur les limites de l'action de l'État), Herbert Spencer, Lysander Spooner et Gustave de Molinari7.
Dans le domaine économique, elles ont été exprimées dès le xviiie siècle par les Physiocrates, notamment Vincent de Gournay et Turgot, et développées entre autres par Condillac (Le commerce et le gouvernement considérés relativement l'un l'autre) et Jean-Baptiste Say dans son Traité d’Économie Politique.
Au xxe siècle, elles ont été reprises et développées par l'école autrichienne d’économie, dont les auteurs principaux sont Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, etMurray Rothbard.
Le libéralisme libertarien semble échapper à la dichotomie politique classique gauche/droite de par ses thèses qui le situent à la fois à gauche au plan des libertés individuelles (dépénalisation des drogues, liberté d'expression, liberté d'immigration, liberté sexuelle, refus de la conscription...) et à droite au plan des libertés économiques (respect de la propriété privée, liberté d'entreprendre, libre-échange, réduction drastique de la fiscalité, rejet des politiques étatiques de redistribution...).
Certains libertariens – notamment les anarcho-capitalistes – refusent tout État. D'autres veulent, en vertu des théories minarchistes formulées entre autres par l'économiste écossais Adam Smith, le restreindre à un État minimal – à savoir Police, Justice et armée – permettant de garantir le droit à la propriété.
Le libertarianisme pose la liberté individuelle comme valeur suprême et fin en soi8 plus encore qu'il n'est l'anti-Keynes.
David Nolan, fondateur du parti libertarien américain, a créé un diagramme pour démontrer sa doctrine, diagramme largement critiqué par les non-libertariens[réf. nécessaire] parce qu'il ne montre, selon eux, que les thèmes que défendent les libertariens (libéralisme économique et libertés individuelles au sens libéral), sans prendre en compte les idées défendues par les autres courants politiques.
Le libertarianisme est l'objet de nombreuses critiques, tant par les conservateurs que par les socialistes et les anarchistes anticapitalistes.
Une des critiques fréquentes accuse le libertarianisme d'être une liberté faussée en particulier par l'argent. Pour Philippe Van Parijs, l'argumentation libertarienne poussée à ses limites conduit à adopter une position "réal-libertarienne", interventionniste (voir aussi Gerald Cohen, du courant du marxisme analytique et qui défend une position libertarienne de gauche), qui remplace la liberté formelle des auteurs libertariens classiques par le principe d'une liberté réelle maximale pour tous, ce qui le conduit à défendre le concept d'une allocation universelle et à autoriser les interférences de l'État dans des cas exceptionnels (par exemple lorsque des actes rationnellement motivés au niveau individuel conduisent à des irrationnalités collectives, limitant la liberté réelle de chacun : l'État pourrait ainsi interdire, par exemple, aux agriculteurs d'utiliser des engrais dont le rejet dans la mer, par la création d'algues, restreindrait la liberté des pêcheurs) 9.
Les libertariens rejettent cette critique en s'appuyant sur les importantes contributions des fonds privés de charité qui financent l'éducation et la santé des démunis partout dans le monde, avec comme exemples courants le Carnegie Fund ou la Fondation Bill-et-Melinda-Gates (Bill & Melinda Gates Foundation). Les libertariens estiment que la charité privée est réduite d'autant plus qu'augmente laredistribution publique, et réciproquement10. Par ailleurs, Mark Rosenfelder11 accuse le libertarianisme d'être une utopie irréalisable, comme le communisme mais avec des positions contraires.
Pour Noam Chomsky, « la version américaine du "libertarisme" est une aberration – personne ne la prend vraiment au sérieux. Tout le monde sait qu'une société qui fonctionnerait selon les principes libertariens américains s'autodétruirait en quelques secondes. La seule raison pour laquelle certains font mine de la prendre au sérieux, c'est qu'ils peuvent s'en servir comme d'une arme. [...] C'est une aberration exclusivement américaine qui n'a rien de très sérieux »12. Omettant que la paternité de ces idées est attribuée, par Murray Rothbard au belge Gustave de Molinari qui ne fit que pousser le raisonnement sur l'État régalien de son maître à penser, le député libéral Frédéric Bastiat, jusqu'à sa limite logique et cohérente concluant sur une concurrence entre micro-communautés, que les américains reprirent sous la forme de minarchisme et d'anarcho-capitalisme, ramenant ainsi toute critique de ses travaux à une critique des fondements du libéralisme qui sont les piliers du libertarianisme épurés des incohérences logiques.[Ce passage est incompréhensible.]
Il existe au sein de la mouvance libertarienne plusieurs tendances, s'opposant parfois entre pro-propriétés et anti-propriétés :
- le minarchisme (qui s'apparente au libéralisme classique), qui considère que les pouvoirs de l'État devraient être strictement limités à la défense des libertés individuelles
- l'anarcho-capitalisme, qui considère que les pouvoirs de l'État devraient être supprimés
- le paléo-libertarianisme, anarcho-capitaliste économiquement mais socialement conservateur, proche du libertarianisme conservateur, aussi appelé libertarianisme de droite.
- le georgisme et le geolibertarianisme, qui veulent un impôt foncier unique basé sur l'utilisation de la terre
- le libertarisme de gauche, qui associe liberté individuelle et gestion égalitaire des ressources naturelles13
- le panarchisme, permettant l'ensemble des systèmes politiques, peut être considéré [Par qui ?] comme proche du libertarianisme [réf. nécessaire]
- le socialisme libertarien, proche du communisme libertaire [réf. nécessaire]
- le mutuellisme, parfois apparenté [Par qui ?] au libertarianisme [réf. nécessaire]
- le libertarianisme chrétien, opposé sur certain point au christianisme libertarien
- le crypto-anarchisme, attaché à la cryptologie, est parfois [Par qui ?] apparenté au libertarianisme [réf. nécessaire]
- l'agorisme, une forme d'anarcho-capitalisme qui prône la contre-économie pacifique [réf. nécessaire]
- le futurisme, techno-libertarianisme, ou transhumanisme libertarien, qui prône le développement de la science et de la technologie pour augmenter les capacités et la liberté des individus [réf. nécessaire]
- Il existe aussi une tendance féministe libertarienne représentée par Suzanne La Follette [réf. nécessaire]
Cependant, tous s'accordent sur le principe fondamental de souveraineté individuelle qu'elles partagent également avec le courant de l'anarchisme individualiste.
En France, il existe depuis 1991 une association du nom d'ADEL (Association des Étudiants Libéraux, puis Association des Libertariens) qui représente la tendance anarcho-capitaliste14. Les associations politiques Liberté Chérie et Alternative libérale, ainsi que le parti politique Parti Libéral Démocrate diffusent des analyses libertariennes ou proches du libertarianisme (minarchiste). Ils se distinguent dulibéralisme économique traditionnel par leur promotion d'un " libéralisme grand angle " ou " libéralisme authentique ". Ils restent néanmoins des libéraux classiques au sens où ils considèrent l'État comme un mal nécessaire : disant « Autant d'Etat que nécessaire, aussi peu que possible », le parti ne prétend pas supprimer l'État mais le réformer. Certaines propositions d'intervention dans le domaine de l'éducation (le chèque éducation) font des partisans d'alternative libérale des libéraux classiques dans l'ensemble, les libertariens constituant une minorité. L'association SOS Éducation fait aussi partie de cette mouvance et a donné lieu à des critiques sévères y compris de la part de personnalités de droite jacobine.
Le 1er février 2013 a été constitué le premier mouvement politique français à vocation électorale se réclamant officiellement des thèses libertariennes : le Mouvement des Libertariens15. Il participe à sa première élection lors de l'élection législative partielle du 16 juin 2013 dans la 3ème circonscription du Lot et Garonne 16[réf. insuffisante].
Par ailleurs, le libertarianisme a une existence politique dans des pays comme les États-Unis (Parti libertarien), le Canada (Parti libertarien du Canada), la Nouvelle-Zélande (Libertarianz et ACT New Zealand), le Royaume Uni (Libertarian Party of the UK), la Pologne (UPR), le Costa Rica (Movimiento Libertario) et les Pays-Bas (Parti libertarien des Pays-Bas), le parti libéral classique en Suède, ainsi qu'un début d'existence en Australie (Parti libertarien d'Australie). En Allemagne le Parti de la raison (Partei der Vernunft) s'est créé en 200917. Enfin, le 11 novembre 2012 a été fondé le Parti Libertarien de Belgique (Plib).
Projet de ville flottante du Seasteading Institute dans laquelle on pourrait vivre selon les principes libertariens.
Créé à l'initiative de Patri Friedman, petit fils de l'économiste américain Milton Friedman, le Seasteading Institute (en) ambitionne de créer des ïles artificielles dans les eaux internationales pour y vivre selon les principes libertariens. L'institut est notamment financé par Peter Thiel, fondateur de PayPal18.
Il y a eu au cours de l'histoire plusieurs projets de mise en pratique des principes libertariens pour organiser une cité ou une nation. Il y a par exemple eu un projet dénommé « La République de Minerve » de fondation d'une micro-nation anti-interventionniste dans les îles Tonga19.
L'animateur de radio américain Glenn Beck a créé le projet « Independance » visant à réaliser une ville autonome fonctionnant selon les principes libertariens19. Au même moment, le projet « The Citadel » vise à construite une citadelle libertarienne dont les montagnes de l'Idaho19.
- Eric Steven Raymond, hacker américain, théoricien du mouvement Open Source.
- Michael Badnarik, homme politique, candidat à la présidence des États-Unis en 2004, ingénieur en génie logiciel
- Richard Branson, homme d'affaires connu pour sa société Virgin
- Kurt Russell, acteur, scénariste et producteur
- Trey Parker, réalisateur américain, connu pour la série South Park
- Aaron Russo, ancien producteur américains de films
- Vernon L. Smith, récipiendaire du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel en 2002
- Robert Nozick, ancien professeur de l'Université Harvard
- Penn & Teller, duo d'illusionnistes humoristes américains
- Christian Brunet, parolier-auteur compositeur et ancien distributeur indépendant (entre 1986 et 1995) du disque français
- Ayn Rand, philosophe et romancière américaine, même si elle rejetait le terme libertarien
- David Friedman, professeur à l'Université de Chicago et fils du célèbre économiste Milton Friedman
- Murray Newton Rothbard, (2 mars 1926 - 7 janvier 1995) philosophe et économiste américain
- Clint Eastwood, acteur et réalisateur20.
- John Malkovich, acteur
- James Hetfield, cofondateur, guitariste rythmique et chanteur du groupe de Thrash Metal américain Metallica
- Ron Paul et Rand Paul hommes politiques, l'un représentant du Texas, l'autre sénateur du Kentucky.
- Peter Thiel, homme d'affaires américain, fondateur de Paypal.
- Matthew Bellamy, leader du groupe de musique Muse.
- Chester Brown, auteur et dessinateur canadien.
- Jeff Bezos, fondateur et PDG d'Amazon.
- Neil Peart, batteur du groupe rock canadien Rush.
- Doug Stanhope, humoriste américain.
- Les Frères Koch, magnats du pétrole finançant de nombreux think thank libertariens21.
- Éric Duhaime, chroniqueur et polémiste québécois.
- Joanne Marcotte, chroniqueuse et polémiste québécoise.
- Jimmy Wales, fondateur de Wikipédia, qui refuse l'étiquette de libertarien mais se revendique objectiviste (selon la conception d'Ayn Rand) et estime que la catégorie libertarienne est celle qui lui correspond le mieux22.
- Rupert Murdoch, homme d'affaires à la tête d'un empire médiatique23.
- ↑ Dictionnaire Webster, "libertarianism" [archive]
- ↑ Murray Rothbard, Le Manifeste libertarien, 1973, For a new liberty: the libertarian manifesto [archive]
- ↑ Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 114-127 « L'ambivalence du libertarianisme »
- ↑ Sébastien Caré, La pensée libertarienne : Genèse, fondements et horizons d’une utopie libérale, PUF, 24 juin 2009, 1e éd., 360 p. (ISBN 978-2-13-057359-3, présentation en ligne [archive])
- ↑ Valentin Pelosse, « Joseph Déjacque et la création du néologisme « libertaire » », Économies et sociétés (Cahiers de l'institut de science économique appliquée), vol. 6, no 12, 1972 (lire en ligne [archive])
- ↑ Henri Lepage, Demain le capitalisme, 1978
- ↑ Alain Laurent dans La philosophie libérale les range ainsi parmi les libertariens, classification reprise par Yvan Blot dans Herbert Spencer, un révolutionnaire contre l'étatisme. Voir également Gérard Dréan, Qu'est ce que le libéralisme, Sociétal, 1er semestre 2008, p.22
- ↑ Selon Desai Meghnad, The Cambridge Companion to Hayek, ed. Edward Feser, Cambridge University Press, 2006
- ↑ Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste ? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 211-239 (en particulier pp.211-216, "L'allocation universelle la plus élevée possible")
- ↑ Étude sociologique d'Edwin G. West et J. Stephen Ferris de l'Université de Carleton [archive]
- ↑ Le problème du libertarianisme [archive]
- ↑ Noam Chomsky, Comprendre le pouvoir : Tome II, Aden, 2006, p. 174-175.
- ↑ Comment être libertarien sans être inégalitaire [archive] Michael Otsuka Raisons politiques no 23 2006/3
- ↑ http://libertariens.chez.com [archive]
- ↑ http://leslibertariens.fr [archive] site Internet du mouvement
- ↑ http://www.sudouest.fr/2013/05/06/villeneuve-sur-lot-les-libertariens-dans-la-campagne-1045754-3603.php [archive] Sud Ouest 5 mai 2013
- ↑ Feuille de faits [archive] (de), Partei der Vernunft, 24 octobre 2011.
- ↑ Gabriel Siméon, « Projet d’îles-cités dans les eaux internationales : utopie sociale ou libéralisme exacerbé ? », Les Inrockuptibles, 24 juin 2012 (lire en ligne [archive])
- ↑ a, b et c Carole Boinet, « Communautés libertariennes : une utopie américaine ? », Les Inrockuptibles, 22 janvier 2013 (lire en ligne [archive])
- ↑ sources recensées sur theadvocate.org [archive]
- ↑ [1]
- ↑ entretien du 25 septembre 2005 [archive]
- ↑ K. Rupert Murdoch - SourceWatch [archive]
- ↑ Les libertariens aux Etats-Unis. Sociologie d'un mouvement asocial [archive], Alternatives économiques, octobre 2010