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Cet article sur les libertariens qui se veut anticipateur a déjà plusieurs guerres de retard

"Au-delà du choc des égos, le début de la campagne électorale est aussi le moment où se cristallisent les idées qui dominent le débat politique américain…et qui pourraient demain influencer l’agora européenne. En 2007, les observateurs avaient cru que la crise des sub-primes et le fiasco irakien allaient ressusciter la « gauche américaine ». Pendant des mois, des accents rooseveltiens, « sociaux-démocrates », avaient accompagné les activistes du Parti démocrate, tandis que les Républicains pataugeaient dans leur funeste bilan, mais ce fut finalement la rebellion populiste du Tea Party qui marqua les esprits.

Aujourd’hui, avec la percée du sénateur républicain Rand Paul au « vote de paille » organisé par un groupe conservateur, un mot insolite a pris son envol: libertarien. "

Les réseaux libertariens sont pourtant bien en place en France, en Europe et ailleurs, en Afrique, en Amérique latine, en Russie, en Iran.
Même si je suis étrangement la seule à les avoir formellement établis.

Elections américaines: l’enjeu “libertarien”

Les élections présidentielles américaines n’auront lieu qu’en novembre 2016, mais déjà, le monde politique d’outre-Atlantique est en effervescence. Dans les deux grands partis, des pré-candidats prennent la température de l’eau, tandis que d’autres ont déjà plongé dans le long fleuve très peu tranquille qui débouche à la Maison Blanche. Les « chats gras », les gros donateurs, sont l’objet de toutes les sollicitations et les éditorialistes ont revêtu leurs habits de bookmakers.
Au-delà du choc des égos, le début de la campagne électorale est aussi le moment où se cristallisent les idées qui dominent le débat politique américain…et qui pourraient demain influencer l’agora européenne. En 2007, les observateurs avaient cru que la crise des sub-primes et le fiasco irakien allaient ressusciter la « gauche américaine ». Pendant des mois, des accents rooseveltiens, « sociaux-démocrates », avaient accompagné les activistes du Parti démocrate, tandis que les Républicains pataugeaient dans leur funeste bilan, mais ce fut finalement la rebellion populiste du Tea Party qui marqua les esprits.
Aujourd’hui, avec la percée du sénateur républicain Rand Paul au « vote de paille » organisé par un groupe conservateur, un mot insolite a pris son envol: libertarien. Qu’est-ce qui cache derrière ce terme qui ne se traduit ni par libéral ni par libertaire? Le mouvement qui s’en réclame a toujours été très marginal électoralement et il a été longtemps incarné par le père de Rand Paul, le très singulier Ron Paul, député républicain du Texas de 1997 à 2013, disciple de l’économiste autrichien Friedrich Hayek, adversaire résolu des impôts, de la guerre en Irak et de la Réserve fédérale.Selon David Boaz, auteur du livre The Libertarian Mind et vice-président du Cato Institute, le réservoir à pensées du mouvement, 2 à 4% des Américains se définiraient comme libertariens. Mais, ajoutait-il immédiatement, « de 15 à 20% des Américains auraient sur certains sujets une sensibilité libertarienne ». Gallup estime la mouvance libertarienne à 24% de l’électorat, en hausse de 7 points par rapport à 2004, à égalité avec les conservateurs et les « libéraux »(centre-gauche).

As American as apple pie
Il est vrai que certaines idées libertariennes – la protection de la vie privée, la liberté individuelle, le droit de porter des armes, l’Etat minimum – sont aussi américaines que la tarte au pommes. Elles claquent au vent comme la bannière étoilée, car elles expriment un des mythes les plus puissants de l’Amérique: celui du « rugged individualist », de l’individu rude et rugueux qui se fait tout seul et dont l’écrivainHoratio Alger, au 19ème siècle, fit la trame de ses best sellers. « Légalisez la liberté », proclamait il y a quelques années le petit Parti libertarien.
Par leur méfiance à l’égard d’un Etat tenté d’abuser de ses pouvoirs et de se mêler de ce qui le regarde pas, par leur critique du sauvetage des banques en 2008, par leur réticence à l’encontre d’interventions militaires extérieures, les libertariens semblent être les jumeaux des « libéraux » américains. Et il est vrai que ces deux courants se retrouvent souvent sur les mêmes lignes de front lorsqu’il s’agit de défendre le mariage homosexuel et la légalisation de la marijuana ou de critiquer le système de surveillance de la NSA et la militarisation des forces de police locales.
Un profond désaccord, toutefois, sépare les libéraux des libertariens. Le libéralisme à l’américaine est associé à l’idée de justice sociale et il accorde à l’Etat un rôle éminent dans la protection des libertés et la promotion de l’égalité. Le film Selma sur le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains symbolise l’essence de cette philosophie:  lorsque se conjuguent l’engagement citoyen et la puissance de l’Etat, « c’est, comme le dirait Lacordaire, la loi qui libère et la liberté qui opprime ».
Les libertariens, par contre, sont fondamentalement hostiles à l’Etat, et surtout auNanny State, à l’Etat-Providence, à la sécurité sociale et aux syndicats. Le lanceur d’alerte, Edward Snowden, un peu rapidement qualifié de gauche par ses amis européens, s’inscrit dans cette logique, mais aussi un grand nombre des gourous et milliardaires de la Silicon Valley, qui rêvent d’une désétatisation et d’une privatisation absolues du monde.

Le choix conservateur

En fait, il y a de nombreuses manières de se sentir libertarien. A droite de la droite, cette philosophie s’est convertie essentiellement en une remise en cause radicale de l’altruisme et du bien commun. C’est ici qu’apparaît Ayn Rand, Jeanne d’Arc de la société de jungle, dont le livre La Révolte d’Atlas publié en 1957, continue à se vendre à des centaines de milliers d’exemplaires. Pour ses partisans, l’individualisme absolu et l’égoïsme décomplexé sont les leviers de la prospérité. Le langage de la liberté devient ainsi l’alibi de l’inégalité sociale la plus extrême, accompagnée d’un « malheur aux vaincus », à ceux qui ont décroché, que seule la philanthropie privée serait censée secourir.
Depuis son lancement en 2007, le Tea Party a exprimé cette conception « illibérale » du libertarianisme, faite de « chacun pour soi » et de « chacun chez soi ». Pris dans les mâchoires de ce mouvement ultra-droitier qui promet de faire et défaire les candidats républicains lors des primaires, soucieux de ne pas braquer le vote évangélique, Rand Paul risque bien de très vite délaisser ses quelques velléités libertaires. Pour adopter cette version hémiplégique, économiquement ultra-libérale, socialement conservatrice, dévote et puritaine, du libertarianisme.

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