Lors d’un tractage sur marché à La Baule, deux femmes interpellent mon regard.
Rien ne pourrait a priori les différencier des autres, elles sont aussi souriantes qu’élégantes, une énergie se ressent dans leur allure. Pourtant. Pourtant ces jeunes femmes font la manche sur le marché le plus huppé de la région. Même la police municipale ne sait que faire, mendicité, commerce ? Elles ne demandent pas d’argent et laissent les gens se promener et vaquer à leurs occupations, la majorité ne les voit même pas. Cependant, certains jettent un regard furtif, pudique, puis effaré sur la pancarte située à leur pied à côté d’un carton : « 2 Personnes, 2 CV Pour un emploi ! Servez-vous » Je ne sais pas si vous imaginez le désarroi dont peut résulter un tel acte. Sous nos contrées, il n’est guère courant de se dire au chômage, ce qui est normal, pour toute personne normalement constituée, la situation, en plus d’être socialement peu viable, n’est guère flatteuse. De là à franchir le pas de s’afficher aux yeux de la foule, jusqu’à quémander son salut social, cela nécessite un certain courage empreint d’un désespoir certain. Elles sont droites, dignes, mais leurs sourires laissent percer le malaise. A la lecture de leur CV, rien ne manque, diplômes supérieurs, expériences, on peut même dire un joli parcours jalonné d’entreprises prestigieuses. Qu’est-ce qui cloche ? Je les approche en me présentant telle qu’elles pouvaient me voir sous leurs yeux en train de militer pour le Front. En quelques mots, nous nous comprenons, je vois que nous avons le même âge, que la situation est bien éloignée de l’assurance qu’elles dégagent, leur vie sociale a vacillé rapidement jusqu’à les conduire jusqu’à cet extrémité. Elle m’autorise à les prendre en photo, même si elles n’ont pas d’engagement politique, elles veulent bien que l’on parle de leur démarche sur NPI que je leur dépeins en quelques mots. Je leur dis que je souhaite montrer cela. Nous nous rejoignions sur l’opportunité d’attirer l’attention sur le fait que tout est loin d’aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, pour paraphraser cet euphémisme voltairien. Leur regard comme un miroir, le même que tant d’autres, amis, hommes et femmes que je côtoie, me raconter la précarité de leur situation sociale. Quand on est deux, cela peut encore aller, mais quand on est, se retrouve, seul ou que l’autre tombe aussi, c’est la chute, vertigineuse, quand toutes ces misères ne se croisent pas entre elles pour accélérer les choses, pression, anxiété, et couples ne font pas toujours bon ménage. Il n’est guère simple de faire ou de refaire sa vie quand l’insécurité matérielle s’installe. Les personnes dont je vous parle ont un point commun, malgré leur solide expérience, elles ont le malheur de ne pas faire le poids face à un marché où le chômage de masse pèse à la baisse sur les salaires, et à l’heure de la rentabilité maximale, il vaut toujours mieux exploiter un débutant toujours moins cher, plus servile et corvéable, qui quoi qu’il arrive, sera toujours jetable et interchangeable par un autre pion, la manne étant inépuisable. A ce jeu de massacre, ce n’est pas le fond de cuve mais le fond tout court que l’on atteint. Hier matin, c’est un homme qui s’immolait par le feu face un ènième refus de logement social. Qui ne sait pas voir les signes de la présence de nombreux Mohamed Bouazizi.
Ce n’est même pas parce que le projet économique de Marine se base sur les travaux de deux Nobel d’économie, ni parce qu’il est soutenu par bon nombre d’autres experts, que la vague va nous porter au pouvoir.
Ce n’est pas non plus seulement parce que tout ce que dit Marine est vrai et mille fois vérifié par la réalité quotidienne.
Non, c’est parce que les gens vont être poussés dans ses bras par l’état de nécessité, celui à qui le droit reconnaît même le droit de voler !
Madame Lagarde comprendrait-elle seulement cela.
Non, dans sa bulle, on bullotte, rien de plus, rien de moins, alors qu’on lui file un pédalo, nous sommes gonflés à bloc, et qu’elle retourne dans son cabinet d’affaires new-yorkais, qu’elle cesse de s’occuper des nôtres, ça nous fera des vacances, celles que l’on n’arrive plus à se payer !
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