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Terrorisme, Claude Hermant et extrême-droite

Alors que le mercenaire Claude Hermant est inquiété par la justice dans le cadre des derniers attentats terroristes, petit rappel :


Un ancien du DPS révèle à «Libération» les activités de déstabilisation et d'infiltration menées en France et en Afrique.
Ce témoin est un soldat perdu. Un soldat du Front national. Il révèle, à visage découvert, l’existence jusqu’en 1999 d’un groupe paramilitaire secret au sein du FN. Non pas celui des gros bras déjà connus, mais ce qu’il appelle «30 à 60 fantômes»: une sorte de «service action» du FN, mis en place par Bernard Courcelle, l’ancien chef du DPS ­ de 1994 à 1999. Claude Hermant, 38 ans, a été membre du service d’ordre du FN, Département Protection et Sécurité, DPS, pendant six ans.
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Recruté par Courcelle, il a suivi son patron, début 1999, lors de la scission du Front. Mal lui en prend. Courcelle, qui a annoncé son ralliement à Bruno Mégret, est chargé d’une mission de sécurité par le Congo de Denis Sassou N’Guesso. Il fait partir Hermant, et plusieurs membres de l’ex-DPS, à Brazzaville. L’opération tourne mal. Hermant est incarcéré durant sept mois, avant d’être gracié par le président Sassou (Libération du 14 mai). Courcelle est venu témoigner contre lui. Libéré, Hermant coupe les ponts. Le service d’ordre auquel il a appartenu s’est scindé en deux: les uns sont restés au DPS de Le Pen, les autres ont rejoint le DPA (Direction Protection Assistance) de Bruno Mégret.

«Fantômes».«Le DPS est actuellement fragilisé, car en pleine restructuration sur les deux Fronts, écrivait Hermant à la justice congolaise en 1999, il est du pouvoir médiatique d’effacer définitivement cette armée des ombres en faisant éclater la vérité.» Il parle d’un «système hors la loi», dont il désigne «la tête pensante»: Courcelle. Une force de frappe secrète chargée, selon Hermant, d’infiltrer les «ennemis» (Ras l’Front ou SOS Racisme) et des bandes de jeunes susceptibles d’accentuer le climat d’insécurité dans certains quartiers, non acquis au Front national. Bernard Courcelle, ancien capitaine d’un régiment de parachutistes d’infanterie de marine et ex-informateur de la DPSD (direction de la protection et de la sécurité de la Défense), aurait calqué sa structure de sécurité sur celle des services spéciaux. Un service action, un service de renseignement et un découpage territorial de la France en six grandes zones géographiques calquées sur les zones militaires.

Hermant n’est associé à la structure dite des «fantômes» qu’en 1997. Auparavant, il est rodé et testé à des missions de sécurité ou des combats de rue à l’occasion des meetings du FN ou de contre-manifestions. Dans cette période, Hermant rejoint la crème du DPS, un «groupe de choc» composé de 200 ex-militaires ou baroudeurs sur la touche. Tantôt enrôlés sous le vocable d'«unité mobile d’intervention» (UMI), dotés d’un équipement semblable à celui des CRS, les gros bras endossent aussi une tenue civile plus discrète, dite «tenue numéro deux», pour infiltrer des associations ou mener des «expéditions punitives» dans des banlieues. Ces faits ont été relatés par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale, dans son rapport de mai 1999. Le député Bernard Grasset (PS) en dressait un constat accablant: «Loin du service d’ordre classique […], c’est un mouvement aux accents paramilitaires marqués, qui n’hésite pas à provoquer, intimider voire "faire le coup de poing". Tour à tour service d’ordre musclé, pseudo-police, garde prétorienne et service de renseignement, il inscrit son action dans un substrat de violence et de haine typique de la culture d’extrême droite.»

Barbouzeries. Pour les combats de rue, Hermant a le profil. Sportif de haut niveau, champion de boxe américaine, catégorie super-lourds, dans les années 80, para, il a fait ses classes à Beyrouth au 1er régiment de chasseurs parachutistes, il a combattu à deux reprises en Croatie dans la 106e brigade de volontaires étrangers. En 1997, Hermant suit 90 jours de formation intensive au siège du FN, destinée à lui apprendre les rudiments de l’action clandestine. Libération a pu consulter les feuillets remis aux stagiaires «fantômes». Il y est question d’espionnage, «buts et formes». De la «conduite à tenir pour éviter d’être compromis». Du «recueil de documents, plans ou matériels (vol, photographies)». Des directives liées au secret en général («le nom des chefs ne doit pas être divulgué à des inconnus»). Des fiches techniques ­comprenant des recettes miracles pour fabriquer des explosifs sont aussi distribuées par les instructeurs.

Le secret est total. «Il est évident qu’un tel programme ne peut fonctionner qu’en distribuant des moyens financiers aux "fantômes", expliquait Hermant à la justice congolaise. Ils sont indétectables, car ils fonctionnent avec de faux papiers, fournis par Courcelle, et de beaucoup d’argent liquide. Il leur interdit de téléphoner, écrire ou faire quelque chose qui laisserait des traces et relierait le "fantôme" au Front ou à Bernard Courcelle. Ils sont nomades et indépendants».

Le coût financier de cette structure est chiffré par Hermant à plusieurs millions de francs annuels. Un budget que Courcelle aurait couvert lui-même, par des opérations internationales de mercenariat ou de vente d’armes, comme ses ventes d’armes aux forces tchétchènes, via la Croatie. En 1998, les services de police ont d’ailleurs détecté, grâce à leurs indicateurs, des circulations d’armes de guerre ­d’origine croate­ parmi les membres du DPS.

Claude Hermant témoigne d’autres projets africains. Projets putschistes, barbouzards, généralement rétribués assez chers. La dernière opération aurait visé à l’élimination de l’ancien ministre des Finances congolais réfugié en France, Moungounga N’Guila, à la demande du ministre de l’Intérieur congolais Pierre Oba. Opération finalement annulée, en mars 1999. Niché dans l’appareil frontiste, le groupe «opérationnel» de Courcelle était donc utilisé pour des missions qui dépassaient largement le cadre du FN. L’enquête que devraient provoquer ces révélations dira jusqu’à quel niveau le Front national a pu être informé des barbouzeries de Courcelle. En 1999, le DPS avait échappé de peu à la dissolution. L’explosion du FN avait rassuré les parlementaires. «La réponse qui doit être apportée aux agissements du DPS, écrivait ainsi le député Bernard Grasset, doit s’inscrire dans le présent, caractérisé par la scission de fait du service d’ordre du FN.» Une conclusion bien timorée au terme de plusieurs dizaines d’auditions, dont celle de Bernard Courcelle, qui a depuis pris ses quartiers au Bénin.

Un ancien du DPS révèle à «Libération» les activités de déstabilisation et d'infiltration menées en France et en Afrique.
LIBERATION.FR

 

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