La Marche Républicaine de dimanche se voulait-elle un rassemblement de citoyens unis pour dénoncer le terrorisme, rendre hommage aux victimes et défendre les valeurs républicaines? C'est râté. En quelques heures, les vautours de la politique française comme internationale l'auront transformé en une espèce de vaste parodie, qui frise l'insulte à la mémoire des 17 victimes des attentats ayant ensanglanté Paris.
L'idée d'une manifestation à peine lancée, tous les partis se sont précipités dessus pour en récupérer un bout. Le FN a été le grand cocu de l'affaire. Lui qui espérait regagner l'onction des autres partis à l'occasion de cette marche en a été mis à l'écart sans autre procès. Le parti n'est pourtant pas connu pour avoir été laxiste envers la menace djihadiste. Mais le sectarisme a parlé, et le FN a raté cette belle occasion de goûter au juteux gâteau que les autres partis se partagent avec appétit.
Le président Hollande et son Premier Ministre Manuel Valls sont naturellement en tête du cortège, trop heureux de cette ocasion de regagner - du moins le pensent-ils - un peu de ce crédit qu'ils avaient totalement perdus. Oubliés, les appels à la censure contre Dieudonné, Tariq Ramadan ou Eric Zemmour! Oublié, le soutien sans faille aux djihadistes syriens, dont les frères Kouachi étaient d'éminents représentants! Le PS découvre soudain les vertus de la liberté d'expression et le danger djihadiste (ils n'ont pas été jusqu'à inviter les gouvernements syrien ou irakien, pourtant en pointe dans cette lutte, à manifester...)
Une telle occasion ne pouvait être loupée par l'UMP, dont les gros bataillons défilent, d'Alain Juppé à François Fillon, en passant par Jean-François Copé (qui vole un pain au chocolat finit djihadiste, c'est évident...) Cette manifestation ne sera donc plus un rassemblement de citoyens, mais une tribune d'expression et de publicité de différents partis politiques, ainsi que d'autres mouvements (qui vont des LGBT au CRIF, en passant par le CCIF, SOS Racisme, et les divers représentants religieux).
Les manifestants auront la chance d'avoir à leurs côtés d'autres éminents représentants de la République et de la liberté d'expression, venus du monde entier.
Voyez plutôt.
Petro Porochenko, l'allié des néo-nazis ukrainiens. Néo-nazis à côté desquels le FN fait figure de parti gauchiste.
Avidgor Libierman, ministre des Affaires Etrangères israélien et dirigeant du parti d'extrême-droite "Israel Beytenou", à qui l'on doit l'idée pittoresque d'utiliser la bombe nucléaire contre la bande de Gaza, accompagné du ministre des Affaires religieuses, Naftali Benett, président d'un autre parti d'extrême-droite (tendance religieuse), qui ne voyait "aucun problème" au fait d'avoir "tué beaucoup d'Arabes" dans sa vie (enfin, tant que le FN n'est pas invité, la morale est sauve, n'est-ce pas?).
Ahmet Davutoğlu, premier ministe de la Turquie, pays où un journaliste est menacé de neuf ans de prison pour... avoir caricaturé le Premier Ministre Erdoğan.
Jean-Claude Juncker, délinquant fiscal désormais reconnu.
Divers présidents africains dont l'autoritarisme n'est égalé que par la corruption, et qui infligent aux journalistes de leurs pays respectifs un sort que l'on n'aurait sûrement guère apprécié à Charlie Hebdo.
Eric Holder, ministre de la Justice américain, le même qui s'était chargé des poursuites contre Edward Snowden, Chelsea Manning, et qui semble soudainement découvrir les vertus de l'irrévérence et de la liberté d'expression.
Des ministres du Qatar, d'Arabie Séoudite et des Emirats Arabes Unis, grandes démocraties connues pour leur défense de la liberté d'expression (les 50 coups de fouet reçus hier par un journaliste saoudien pour blasphème en témoignent sûrement) et leur lutte sans faille contre le fondamentalisme islamique et le djihadisme.
Sans oublier les incontournables de la droite austéritaire européenne: Angela Merkel, David Cameron, Mariano Rajoy, et tout l'appareil de l'OTAN (au cas où l'on n'aurait pas compris que l'avenir, c'est l'occidentalisme, qu'on se le dise!)
Nul doute que ceux qui auront refusé de participer à cette mascarade seront taxés de tous les noms - en particulier s'ils portent un patronyme à consonnance étrangère. Nul doute non plus qu'il existe parmi les gens qui vont marcher d'innombrables citoyens sincères dans leurs revendications, et qui ne sont pas responsables de la récupération politicienne de la marche; à ceux-là, on ne pourra que conseiller de se boucher le nez.
Et terminons par citer du Charlie Hebdo: c'est dûr d'être aimé par des cons !"
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